La Lutte d'Ewilan
Tome 1
Indiv'n
Chapitre 1 :
Le navire filait à toute vitesse à travers les plaines Manaï. Sur le pont se tenait une silhouette, droite, tenant la barre à deux mains, avec force et convixion, les cheveux dans le vent et le sourire aux lèvres : heureux. La nuit était bien entamée et le soleil ne tarderait plus à se lever. Oyoel adorait ce moment de la journée, l’un des seuls, où il voguait serein. Où il ne pensait plus à ses terribles rêves, écrasé par la magnificence du paysage.
Cela faisait déjà trois jours, pensa t’il, qu’ils avaient pénétrés dans les plaines Manaï. Un nom qui lui était venu à l’esprit en les parcourant. Un nom poétique du vieil Haïnouk " Mer d'herbe". Très vite le conseil des femmes l’adopta et ils nommèrent ces vastes plaines ainsi.
Cela faisait déjà une semaine qu’ils avaient dépassés la Faille de l’Oubli. Cela faisait déjà trois semaines qu’ils s’étaient séparés des autres Haïnouks.
Et enfin cela faisait deux mois qu’ils avaient pris à leur bord les Alaviriens…
C’est alors que le soleil, pourpre, écarlate et pur, majestueux et écrasant se leva. Oyoel le contempla, doutant de la réalité, doutant qu’un tel miracle puisse exister. Ému au delà des larmes, le nautonier tomba à genou, contemplant le paysage céleste. Heureux.
Quelques minutes plus tard, les premiers membres de l’équipage se réveillèrent. Oyoel laissa la barre du navire à Alfίn, un garçon prometteur, un garçon qui sans doute prendrait la relève du poste de nautonier lorsque l’âge d’Oyoel serait trop avancé. Alfίn fut très honoré de prendre la barre du navire. Oyoel lui confiait la vie de tout l’équipage ! Le batelier pensa tout d’abord à aller dormir, car la nuit avait été longue et éprouvante. Mais les images horribles de ses rêves lui revinrent à l’esprit, ces images de maisons en feu, ces images de cadavres mutilés au delà de l’imaginable. Et surtout, le silence de mort qui planait, insupportable pour tout spectateur. Oyoel ne comprendrai certainement jamais comment un homme pouvait-il causés de tel torts à son semblable, comment pouvait-on se considérer comme Humain après avoir proféré de telles horreurs.
Mécaniquement, il regarda à l’Est pour voir les vestiges du somptueux levé de soleil auquel il a avait assisté. En regardant la proue du navire, il aperçut une silhouette, solidement charpentée d’un homme. Vu sa position, il était installé là depuis longtemps. Avait-il vu le miracle de la nature précédemment ? Sur ces pensées il s’approcha de l’homme.
-Es-tu sûr d’avoir fait le bon choix ?
-Oui.
-Te rends-tu compte de la perte que ton départ représenterait pour l’Empire ?
Non à l’époque il n’aurait pu l’imaginer. Depuis son départ, Edwin était heureux, heureux d’être libre, content de ne plus commander et surtout, d’être à côté de ceux qu’il aimait. En contrepartie de leurs départ, Sil’Afian avait demandé à Ewilan de garder le contact avec Gwendalavir grâce à l’art du Dessin. Compensation qui ne dérangeait en aucun point Edwin. S’il avait su… Avec la fin des problèmes liés à la guerre contre les Raïs, les pirates Alines furent repoussés hors de Gwendalavir. Tout semblait parfait… Mis à part que les Raïs, au lieu de, comme continuer à se faire la guerre entre différents rois, restèrent unis, regroupés et formèrent une énorme armée à l’insu de l’empire ayant un seul et unique but, celui de le détruire.
Sil’Afian n’étant pas au courant mit fin définitivement avec l’assaut Ts’lich en ostracisant les sentinelles ayant trahit Gwendalavir. Pour les remplacés, l’Empereur nomma les membres de la desmose et laissa Altan et Elicia en place. Cela reconstituait la moitié seulement l’effectif des Sentinelles d’avant l’assaut Ts’lich mais l’Empereur ne s’en était pas formalisé car la paix était enfin revenue et il savait d’autres dessinateurs de haut niveau se rallieraient bientôt à eux. Ce n’était qu’une question de temps…
De plus, les mercenaires multipliaient les actions envers Gwendalavir mais, il était clair que ce n’était que quelques actions désespérées avant que l’Ordre ne soit réellement rétabli. Du côté des marchombres, la situation était meilleure depuis le chaos qu’avait laissés le départ un quelque peu spectaculaire d’Ellana. Les marchombres s’étaient réorganisés sous les thèses et l’idéologie (celle d’Ellundril Chariakin et de bien d’autres). Pourtant de nouveaux courants et contre-courants agitaient la guilde et les anciens marchombres, tel que Riburn Alquin, essayaient de reprendre le pouvoir, sans grand succès.
Une semaine après le renvoi des Sentinelles, les Raïs passèrent à l’attaque. Rien de très inquiétant. Les Frontaliers et quelques dessinateurs du secteur réussirent à les tenir en respect mais, par simple précaution, ils en avaient informé l’Empereur. Le nouveau général Wil’Wayard partit le lendemain avec une légion, constituée de quelques cent soldats, pour écraser cette gêne. Simple mission de routine. Ce qu’ils ignoraient tous c’est que ce n’étaient que les éclaireurs de l’armée…
Depuis, Edwin était dans cet état, entre la mélancolie et le bonheur. Et il se demanda s’il ne faisait pas passer son bonheur personnel avant le bien-être de l’Empire, comme auparavant, au grand dam d’Ellana. C’est alors qu’il se leva, parfait, majestueux, rayonnant de toute sa splendeur. Tous ses doutes s’estompèrent et il se dit qu’il devrait plus profiter de sa vie. Il resta là, à le contempler pendant quelque temps, jusqu'à ce que les pas d’un homme se fassent entendre. Sans se retourner, Edwin sut que le nautonier qui approchait.
Ils parlèrent ainsi longtemps, de tout et de rien. Oyoel, heureux de retrouver l’homme qu’il connaissait depuis deux mois et non pas ce même homme, quelque peu tourmenté ces derniers temps… Oyoel lui confia alors ses rêves qu’il qualifiait de prémonitoires. Il lui révéla également que le conseil des femmes n’avait que faire car elles pensaient que ce n’étaient que quelques hallucinations passagères. Si elles savaient ! Puis ils commentèrent le levé de soleil auquel ils venaient d’assister :
-Avant te voir ici, je pensais être le seul homme privilégié à l’avoir vu, comme si il m’était destiné pour chasser mes obscures pensées. Enonça Oyoel les larmes aux yeux.
-Nous sommes donc deux.
-Faux ! Clama une troisième voix, féminine. Il ne l’avait pas entendu approcher. Ellana.
-Alors, toi aussi ? Demanda Oyoel, une teinte de déception dans la voix. Il ne put s’empêcher de penser qu’autant de spectateur nuisait en quelque sorte à la beauté éphémère.
-Moi non, je viens juste de me lever, mais eux oui !
Deux adolescents se trouvaient dans la plate-forme de la vigie au sommet du mat le plus élevé du navire, les yeux rivés vers l’Est, vers le splendide soleil et vers leur avenir, émus. L’une, blonde aux yeux d’un violet intense, avait la tête nichée entre le coup et l’épaule du garçon noir aux longues tresses. Profondément émus, sincèrement amoureux.
Ewilan et Salim.