Le voyage était long, nous étions entassés dans ce wagon. Le paysage défilait à travers la petite fenêtre. Je transpirais, on était beaucoup trop, le moindre espace était occupé. L'air était chaud et humide, des enfants pleuraient et des femmes criaient. Certains vieillards s'étaient assis comme ils le pouvaient dans un coin. Voilà que j'aperçois la nuit qui arrive, c'est la deuxième fois. Le train ralentis, je voyais les maigres arbres passés doucement. Le reste était un désert blanc. Tout le monde se précipitait à la petite fenêtre. Cela faisait deux jours que l'on avait rien mangé. Les maigres ration d'eau qu'on avait reçu furent quand le wagon fut aspergé. On ne pouvait pas bouger. On soupçonnait certains d'être mort, mais aucune certitude.
Les portes du wagon s'ouvrent, des ordres brefs, tous se précipitent dehors. Je suis pris dans le flux, projeté dehors, sans chaussures, nous sommes des milliers les pieds dans la boue, le froid nous mord le corps, nous avons faim, soif, nous sommes fatigué mais il faut courir dans la boue froide. Mes pieds s'enfoncent mais par moment je sens la peau d'un homme, ceux qui n'avaient plus la force de courir. J'ai le temps de penser à tout cela, je cours inconsciemment, je ne contrôle pas mes mouvements. Je vois deux hommes s'approchaient de moi, ils me soulèvent et m'encouragent. Je ne comprends pas ce qui se passe, plus rien n'est comme avant.
On est arrêter, en ligne. Ceux qui tombent sont ramassés et on ne les revoit pas. Mes jambes ne me portent plus, mais je résiste. Combien de temps a t-on passés les pieds dans la boue froide ?
Il n'en reste que la moitié, je suis de ceux là. On nous conduit dans une baraque rectangulaire. Ils nous donnent de nouveaux vêtements. On accepte et on va se coucher ? La nuit est encore là quand des cris s'évadent de l'extérieur. Des cris de femmes et d'enfants qui resteront dans ma mémoire. Mais que se passe t-il ? Où sommes-nous ? La fatigue m'emporte dans le sommeil. Mon rêve est compris d'horreur, je vois des enfants mourir de douleur, des bébés noyaient dans la boue sous les yeux de leur mère. Je me réveille en sueur, mon corps me fait souffrir. Un homme à coté de moi se retourne dans sa couchette. Ses yeux tombent sur moi.
- Tu es nouveau ?
La voix faible et rocailleuse me fait frémir.
- Oui, mais je ne comprends rien.
- Ah ça... espère connaitre autre chose...
- Hein ?
Il se retourna et les lumières s'allumèrent. Des cris et gémissements. Des insultes dans toutes les langues. J'ai repéré des Français. Mais le spectacle m'horrifie. C'est un dortoir d'environ 500 lits où s'entassent 2000 personnes. L'homme s'assoit dans son lit, il me regarde. Ses yeux sont marqués de fatigue. Son corps est squelettique. Il tente un sourire et me lance :
« Bienvenue à Auschwitz-Bikernau II : Le camp de la mort.