Hé ! Je publie enfin le premier chapitre de ma fic alavirienne ! ^^
Le premier chapitre a été écrit asez rapidement. On y parle des principaux protagonistes, de ce qu'ils sont devenus. Les prochains chapitres seront souvent centrés sur un nombre plus restrint de personnages (un, deux ou trois ). Dans mes autres fanfictions, j'ai l'habitude de faire des chapitres à ralonge qui sont très longs à écrire et qui prennent également beaucoup de temps avant d'être publiés. Aujourd'hui, j'ai décidé de remédier à ce problème et d'être moins méticuleuse, plus détendue, mais toujours passionnée.
L'histoire s'appelle donc
La Porte du Chaos.
Elle aura lieu après
Les tentacules du mal ( Destan devra patienter encore un petit peu ! ).
Il n'y aura pas énormément de personnages secondaires, attendez vous quand même à retrouver des anciens, des Mercenaires qu'on ne connait que trop bien, etc.
J'espère de tout coeur que ça va vous plaire !
By Lulu La Porte du Chaos
1. Aller et retour
- Ellana n'est pas avec toi ?
- Elle a pris quelques semaines de vacances.
- Ah bon ?
Edwin fit un geste vague de la main.
- Oui, tu sais, la solitude, l'indépendance, des trucs de Marchombre...
Altan lui lança un regard scrutateur.
Les deux hommes étaient assis à une terrasse d'Al-Jeit, discutant des événements plus ou moins importants qui s'étaient produits en Gwendalavir ces six derniers mois, depuis que Salim, Ewilan, Edwin et Ellana avaient embarqué sur un navire des Fils du Vent.
Bjorn, qu'Edwin avait recommandé à Sil'Afian, était devenu maître d'armes de l'Empereur et Commandant de la Légion noire, d'ailleurs, d'après Altan, il prenait ses nouvelles responsabilités très au sérieux. La plupart du temps. Maître Duom, lui, avait repris sa fonction d'analyste et coulait des jours heureux à réprimander les jeunes dessinateurs. Deux mois après la fin de leurs aventures de l'autre côté de la Mer des Brumes, Mathieu était revenu de la Citadelle en pestant et en maudissant tous les Frontaliers de Gwendalavir, dissimulant mal le dernier présent de la princesse: un hématome de belle taille qui l'empêchait presque d'ouvrir l'œil.
Edwin n'avait pu retenir un éclat de rire. «Il s'en remettra, s'était empressé d'ajouter le père du blessé, il est jeune, il a le temps. Il en rencontrera d'autres...»
Altan marqua une pause avant de reprendre.
- Alors, que comptes-tu faire ? Tu vas l'attendre à Al-Jeit ?
Le Frontalier sembla réfléchir quelques secondes,
- Non, je crois que je vais repartir à la Citadelle. Mais je vais rester peut-être deux ou trois jours, le temps d'informer Sil'Afian de mon retour et de rendre visite à quelques connaissances.
Son ami lui mit un grosse claque sur l'épaule.
- Ah, tu passeras bien boire un verre à la maison ? Elicia sera ravie de te revoir !
- Évidemment. Tiens, ça se passe bien avec le petit de Valingaï ?
- Illian ? Oui, mais nous avons eu quelques difficultés, au début. Les Valinguites l'ont éduqué pour qu'il donne des ordres. Ils lui donnaient tout ce qu'il voulait quand il le voulait. Bref...
- Je vois, le coupa Edwin.
Altan se renfonça dans son siège. Le sujet dérivait inévitablement vers ce qu'il aurait voulu éviter d'aborder, en particulier avec Edwin. Pour l'avoir côtoyé pendant des années, il connaissait la mentalité des Frontaliers à ce sujet. D'ailleurs, lui-même n'osait prononcer ce mot, barbare, mais à juste raison.
Edwin se taisait, mais le dessinateur savait que, s'il ne décidait pas d'en parler, ce serait lui qui prendrait les devants. Ils étaient amis depuis de longues années, presque comme des frères, même si les événements passés les avaient souvent éloignés. Un tel silence n'était pas de mise entre eux.
Altan inspira profondément, prenant son courage à deux mains.
- Avec...
- Comment va Elicia ? Le doubla Edwin, le regard fixé droit devant lui.
- Ça va.
Le Frontalier se tourna lentement vers lui, une ride barrant son front. Son regard métallique, sombre, s'était presque fait accusateur.
- Et... c'est tout ce que tu trouves à dire ?
- Edwin, je...
Croisant les bras, le Frontalier se détourna calmement, les yeux à nouveau fixés devant lui. Une intense colère se lisait sur ses traits.
- Je sais que ce que j'ai fait est impardonnable ! C'était la plus grosse erreur de toute ma vie, l'erreur d'un jeune homme trop fier et imbu de lui-même, qui croyait que le monde était à ses pieds et que tout lui était permis.
Altan marqua une pause et reprit son calme. En face de lui, son ami l'ignorait toujours.
- J'aime ma femme, j'aime Elicia. Et j'aime aussi mes enfants, Akiro et Ewilan. Ils sont sans nul doute la plus grande réussite de mon existence. Je te prie de me croire, vieux frère, je ne vis plus que pour réparer mes erreurs. Ce que je veux, c'est rendre ma famille heureuse.
- Je te crois, Altan.
Edwin se tourna lentement vers lui. Les deux amis se fixèrent longuement sans ciller, jusqu'à ce que le Frontalier hoche de la tête.
- Je te fais confiance. Rend-les heureux et prend bien soin d'eux.
- Merci.
Edwin tendit le bras, attrapa son verre et but une longue gorgée de jus de baies. Avant de le reposer, il observa quelques secondes le rouge vermillon traversé par les rayons du soleil qui se perdaient parmi les tours cristallines. Puis, d'un geste dédaigneux, il repoussa la boisson au centre de la table.
- Tu as toujours eu du mal à cerner les préférences de tes hôtes, tu t'es surpassé aujourd'hui, lança le Frontalier comme s'il ne s'était rien passé.
Altan écarquilla les yeux.
- Tu es vraiment en train de me parler de gastronomie ?
- Tu voulais discuter de quelque chose en particulier ?
- Non, mais, il y a deux minutes à peine, j'étais prêt à parier que tu allais m'étriper ! Ricana le dessinateur.
Edwin haussa les épaules.
- Je n'avais pas mon sabre sur moi.
--
- Ça s'est bien passé avec les Haïnouks ?
Elicia apparut dans l'embrasure de la porte de la cuisine, portant à bout de bras un plateau chargé de pâtisseries qu'elle s'empressa de poser sur la table basse du salon.
- Oui, répondit simplement Ewilan. Après tout ça, nous avions vraiment besoin de repos.
- Je comprend.
Sa mère s'assit à côté d'elle dans le grand canapé.
- Tu t'es mise à la pâtisserie ? Demanda la jeune dessinatrice en désignant l'étalage gargantuesque de galettes, de tartelettes et de crème pâtissière.
- Étant donné que je ne suis plus Sentinelle, il fallait que je trouve un autre passe-temps.
Elicia haussa les épaules en souriant.
- Et puis, ton père et Illian ont l'air de beaucoup apprécier.
- Illian va bien ?
- Oui, il veut apprendre à dessiner, pour faire « comme Ewilan ». Il fait beaucoup d'efforts, c'est un petit garçon adorable.
- Et Mathieu, où est-il ? Papa m'a raconté... cette histoire avec Siam.
Soupirant, sa mère lui lança un regard en biais.
- Il est parti en ville avec des amis, va savoir dans quel état nous allons le récupérer !
Ewilan sourit. Elle n'avait jamais vraiment passé beaucoup de temps avec son frère aîné et elle commençait à peine à entrevoir la vie avec lui. Qui sait, peut-être que, un jour, il aurait quelques instants à consacrer à sa petite sœur.
- Tu vas aller voir tes amis de l'académie ?
Incrédule, la jeune fille contempla sa mère durant une interminable seconde.
- Ce jeune homme, Liven, est passé plusieurs fois. Charmant garçon. Il voulait savoir quand tu comptais revenir.
- Oh, Liven, oui, il est gentil.
Elicia étudia sa fille du regard.
- Tu iras les voir ?
- Oui, oui, bien sûr.
--
Salim se redressa sur sa selle et passa une main lasse dans ses tresses. Le soleil était haut dans le ciel, resplendissant, illuminant les plaines verdoyantes du Pollimage. A sa gauche, le lac Chen s'étendait dans toute sa splendeur, sa surface miroitante et infinie absorbant chaque rayon étincelant pour le renvoyer au centuple. Quelques navires aux grandes voiles blanches et triangulaires voguaient paisiblement vers le sud tandis que d'autres, entrainés par des navigateurs, remontaient courageusement le fleuve roi. Et enfin, au loin, droit devant lui, se tenait l'imposante Al-Chen, entre forteresse, ville lacustre et noyau grouillant d'activité. Une cité alavirienne, libérée des craintes de la guerre, vivante.
Le jeune homme talonna Éclat de Soie qui s'avança, au trot, sur le sentier qui rejoignait la route principale en pente douce. Dans les fontes de sa selle, outre de l'argent et des vivres, une lettre d'Ellana, une lettre couverte de noms et d'adresses, regroupés par deux, dispersés dans deux villes alaviriennes différentes. Les paroles de son professeur résonnèrent encore une fois dans son esprit: « Pour vérifier si tu n'as pas perdu la main ! »
Pendant les six mois passés avec les Haïnouks, Ellana avait perfectionné sa souplesse, son équilibre. Ils avaient escaladé et désescaladé les mats un nombre incalculable de fois. La jeune femme lui avait même enseigné, debout sur le garde-fou, à être en harmonie avec le vent des hauteurs, à apprécier sa caresse, à jouer et à déjouer les bourrasques qui tentaient de le précipiter dans le vide. Pendant six mois.
Ce séjour avec les Haïnouks avait été très long, même si, au départ, ils n'avaient pas réfléchi au temps qu'ils passeraient à arpenter les Plaines Souffle sur les navires roulants. Ellana avait été la première à montrer des signes d'ennui, suivie de près par Edwin. Mine de rien, ces deux-là faisaient la paire, côté mauvaise humeur, ils n'avaient pas leur pareil ! Au départ très enthousiaste, l'ardeur de la jeune femme avait finalement décliné. Salim l'avait pour la première fois remarqué quand, s'approchant d'elle, il lui avait demandé quelle serait sa leçon du jour. Elle l'avait regardé sans un mot pendant quelques secondes avant de lui indiquer un des mats du menton. Enfin, après une longue discussion avec Edwin, ils avaient décidé de rentrer. Salim étant toujours lié à la Marchombre, lui et Ewilan étaient également rentrés en Gwendalavir, finalement pas si mécontents de quitter l'infini vert des Plaines Souffle.
Sauf qu'Ellana avait retrouvé tout son entrain de professeur, ainsi que sa joie non dissimulée d'envoyer son apprenti en mission sans aucune indication précise.
Salim soupira et s'affaissa sur sa selle.
- Allons, jeune homme, un peu de dignité, ce n'est pas ainsi que vous retrouverez plus rapidement votre demoiselle !
Salim sursauta brusquement et manqua de tomber de selle. Il se rattrapa de justesse au petit étalon.
- Qui êtes-vous ? Demanda-t-il un peu abruptement à l'inconnu qu'il n'avait même pas entendu venir.
Le vieillard, à pied, était apparu juste devant lui, comme par magie. Il était appuyé sur un bâton, enroulé dans une cape de voyage, mais ses yeux clairs et vifs ne correspondaient pas à son état. Même son attitude, sa façon de se tenir, clamait qu'il n'était pas ce qu'il voulait faire croire. Salim fut certain, dès qu'il croisa son regard perçant et sans âge, qu'il n'avait nullement besoin d'une canne pour avancer.
- Moi ? Fit-il innocemment. Je ne suis qu'un humble voyageur. Tu peux m'appeler... Ayanel !
- Ayanel...
Il lui semblait avoir déjà entendu ce nom quelque part, ou quelque chose de semblable. Non, il devait sûrement confondre avec Oyoel.
- Je m'appelle Salim !
Ayanel le salua et fit un pas en avant, appuyé sur sa canne.
- Euh... ça va aller ? Vous voulez un coup de main ?
Le vieillard se tourna vers lui, une étincelle malicieuse dans le regard. Salim se maudit aussitôt d'avoir ouvert la bouche, cet homme n'était vraiment pas commode.
- Oh, ce serait très gentil de votre part ! Minauda Ayanel.
Salim bondit de selle et aida le voyageur à grimper sur le dos d'Eclat de Soie.
Ayanel se tenait bien droit, comme si son mal de dos s'était soudainement envolé. A l'évidence, c'était un cavalier aguerri. Salim se promit d'être prudent, celui-là jouait un jeu.
Après quelques minutes de marche à côté d'Eclat de Soie, Salim sortit la lettre d'Ellana de la sacoche qui pendait à sa selle. Il parcourut rapidement les noms et les adresses concernant Al-Chen.
- Dites, Ayanel, vous connaissez bien Al-Chen ?
-Oh, j'ai beaucoup voyagé, dans ma jeunesse ! Et je t'avoue qu'Al-Chen était une de mes destinations de prédilection ! J'avais une jolie fiancée autrefois, elle s'appelait... Wilan !
Salim se tourna vivement vers le vieillard, les yeux ronds comme des fonds de bouteille.
- Elle s'appelait comment ?
- Qui ça ? Moi ? Je t'ai dit que mon nom était Ayanel, tu ne t'en souviens pas ?
- Non, non, votre fiancée !
- Je n'ai pas de fiancée, je suis un peu trop vieux pour ça, mon garçon ! Dit Ayanel en riant. Et moi qui croyait que je devenais sénile !
- Mais... !
Le jeune homme, tenant la bride de son cheval d'un main, tourna la tête et contint un juron. Expirant silencieusement sa frustration, il se força à garder son calme. Ayanel n'était qu'un vieillard, il n'y avait aucune raison de s'énerver.
Salim s'éclaircit la voix.
- On m'a conseillé d'aller voir certaines personnes à Al-Chen, peut-être les connaissez-vous.
Il tendit les deux premières adresses à Ayanel qui les examina quelques secondes.
- Hum... fit-il en se tenant le menton entre deux doigts. Ce sont deux artisans bijoutiers, des orfèvres de renom ! Et je dirais même plus, ce sont de sacrés concurrents, ils se détestent et se chamaillent depuis des années, ha !
Salim commençait doucement à comprendre ce qu'Ellana attendait de lui. Comme au début de son apprentissage, il allait devoir prendre une pièce d'un des artisans pour l'exposer ensuite dans l'étalage de son voisin. Le tout sans que personne ne s'aperçoive de son manège.
- Tu cherches un joli présent pour ta demoiselle ?
- Mouais, répondit laconiquement le jeune homme.
--
Ellana tendit les bras de chaque côté et bascula la tête en arrière, humant avec délice le vent frais et sauvage des plaines d'Al-Jeit. Murmure était encore essoufflé de leur dernière course vers l'est, à fond de train. Maintenant qu'elle pouvait à nouveau parcourir Gwendalavir comme elle l'entendait, et que son monde ne se limitait plus à un navire, aussi grand soit-il, elle prenait conscience qu'elle n'aurait pu tenir plus longtemps avec les Haïnouks. Sa place était ici, définitivement.
La jeune femme parcourut l'horizon du regard. Il y avait tant d'endroits qu'elle voulait revoir, comme la maison de pierre blonde près du Désert des Murmures, les falaises qui bordaient le Grand Océan du Sud, ou encore la vue sur le Pollimage depuis le sommet des Dentelles Vives. Ensuite, elle penserait à retrouver Edwin, qui, elle le savait, ne resterait pas longtemps à tourner en rond à Al-Jeit. Il retournerait sûrement à la Citadelle, ainsi, elle pourrait en profiter pour traverser toute l'étendue qui les séparait. Mais elle hésitait à passer par les Plateaux d'Astariul, elle préférait longer la rive gauche du Pollimage, qui était un chemin plus sûr. Ellana s'ébroua. Elle aurait tout le temps de penser à son itinéraire plus tard. Pendant ces quelques semaines de solitude, elle renouerait avec sa terre et son univers. Le vastes paysages indomptables de Gwendalavir lui avaient sauvagement manqué.
Elle fit avancer Murmure au pas, sans se presser. Le vent lui chuchotait sa liturgie ancestrale, un hymne à la liberté qu'elle cueillit au creux de son oreille, dans ses cheveux nattés virevoltant dans la brise, dans ses yeux sombres et apaisés, dans ses paumes ouvertes, au cœur de son cœur, jusque dans le sang qui pulsait dans ses veines, ...
Ellana était libre, à jamais.